Ukraine, je me souviens

Publié le par Run

Vous aussi, vous la sentez cette main qui vous appuie sur la tête? Une main invisible qui en même temps vous oppresse les poumons sans épargner le cœur? En tout cas moi oui. Elle ne me quitte pas depuis des années, des mois et surtout depuis des jours, exactement depuis le 24 février, jour de l'invasion de l’Ukraine par un dictateur russe. Je connais un peu l'Ukraine comme ma poche. J'y suis allé plusieurs années de suite pour y récolter plantes et insectes. On ne peut pas dire que ce soit un pays très beau au niveau paysages, à part les Carpates et la Crimée. L'Ukraine que je connaissais ressemblait comme deux gouttes d'eau au modèle russe. Je me souviens des villes de Donetsk, Kherson, Mykolaiev, toutes identiques les unes aux autres, avec leurs bâtiments gris et uniformes, avec leurs jeux pour enfants copiés-collés soviétiques, leurs routes avec des trous partout. Les épiceries, les "centres commerciaux" eux aussi, sont tous les mêmes, avec de petites échoppes qui vendent de tout, avec le prix de l'eau plus cher que celui de la vodka. Seules quelques villes se distinguent par des centres villes plus enluminés comme Kiev ou Yalta. Mais il fallait chercher ailleurs la richesse de ce pays: l’accueil des ukrainiens. Je me souviens de Vadim (mon chauffeur) et Andrej (mon étudiant), avec ces deux là, on a fait un bout de chemin entre villes et campagnes. Avec ces deux gars à l'anglais approximatif, j'ai plongé tout droit dans cette belle langue slave qu'est l'ukrainien. Alors qu'on ne se connaissait pas, la maman de Vadim m'avait invité à dîner dans son appart soviétique en banlieue de Bila Tserkva (50km sud de Kiev). Vadim voulait absolument que je rencontre sa jeune copine, avec qui il a eu une petite fille quelques années plus tard. C'était il y a 20 ans, déjà 20 ans. Je me souviens de ces petits vallons du centre de l'Ukraine, où la terre était noire, on appelle ça le cernozon, de cerno qui veut dire noir. Cette terre si fertile que les céréales germent et croissent aussi hautes et vertes que dans la première scène de Gladiator. Vadim garait la Lada au bord du champ, dans un coin perdu de chez perdu, et on mangeait du poisson fumé avec du lard blanc (Salo) chauffé à la flamme, tout en buvant des bières chaudes. Et cela n'était que le petit déjeuner. Une nuit d'août 2002, je suis arrivé à Simferopol en Crimée, fatigué par le voyage en avion depuis la France. Il était 1h du matin. Je m'attendais à trouver personne, et pourtant Andrej et son père étaient là avec leur vieille BMW pour m'amener chez eux. Moi je pensais que ce serait une formalité. Finalement ils habitaient à 120km. La route fût dangereuse, et à l'arrivée, quand on ne pense qu'à plonger dans des draps réconfortants, et bien non, la maman d'Andrej avait préparé un dîner pour quatre. Il était 3h. Voilà l’accueil que j'ai eu. Il me faudrait tant de pages pour narrer tout ce que l'Ukraine m'a apporté quand je prenais mes marques de jeune explorateur de la nature. Que font Vadim et Andrej à présent? Dans leur quarantaine, ils ont surement un fusil à la main pour défendre leur terre face à l'agresseur. Et moi, chaque jour que je me réveille, je n'ai que les yeux pour pleurer.

1. Il pleuvait ce jours là, et comme Andrej n'avait pas de bottes, il s'en était confectionné de fortune

1. Il pleuvait ce jours là, et comme Andrej n'avait pas de bottes, il s'en était confectionné de fortune

Voilà donc ce drôle de sentiment qui m'accompagne au moment de partir en vacances, mais je pars. Si vous le voulez bien, entrons ensemble dans cette bulle temporelle de 11 jours. Au revoir l'Europe, bonjour l'Océan indien. Que les cirques de Cilaos, Mafate, le piton des neiges et les lagons en tout genre, et tous les gens qui vont avec, m'apportent le réconfort si nécessaire en ce moment.

So far, so good

2. Pourvu que le pilote ne loupe pas le point rouge au milieu de l'océan

2. Pourvu que le pilote ne loupe pas le point rouge au milieu de l'océan

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
D
Je connais un peu le peuple slave par mes origines<br /> Comme toi je retiens ma respiration. Le désespoir me guette lorsque je vois que certains hommes ont de tels agissements. <br /> Espérons que le bon sens va l'emporter. <br /> Sinon bonnes vacances<br /> Hélène
Répondre
X
...
Répondre
L
que c'est dur de lire tes mots, je ne connais pas l'Ukraine mais depuis le 24 janvier moi non plus je ne respire plus très bien, le 24 au matin, j'ai imaginé les bombes tomber sur ma ville, je pense à ces gens qui ne souhaitaient qu'une chose vivre en paix et en démocratie. et je n'ai pas les mots en fait ! Je suis allée à Moscou, j'ai dormi chez des gens et ces gens du peuple russe étaient gentils.
Répondre
L
Profitez bien, on vous accompagne comme on accompagne pas le coeur les Ukrainiens.
Répondre