Oh la vache!

Imaginez qu'on vous demande de trouver une plante rare, que la zone à prospecter fait 100 km2, et qu'en plus rien n'est plat puisque c'est en montagne. Cerise sur le gâteau, ça doit se passer en juillet car le reste du temps il est impossible de la reconnaitre car, soit trop verte, soit trop tard car elle a perdu ses graines. Ce qui vient à l'esprit en premier est qu'il faut être méthodique. Rien ne s'improvise dans ce genre d'aventure.

Un certain Professeur Virgile Arrigoni a trouvé cette graminée un 12 juillet 1970 au centre de la Sardaigne, et puis plus personne depuis. Pour nous, la retrouver nous permettrait d'avoir une donnée importante pour notre projet de génétique et de cartographie européenne de cette espèce. Partout il est dit que l'Italie héberge cette plante depuis toujours, mais depuis 50 ans personne ne l'a retrouvée. Aurait-elle disparue? Je pars donc de bon matin seul à travers les monts du massif de Gennargentù. Les effluves des châtaigniers en fleur embaument les chemins. Il n'y a pas de sentiers tracés, il faut partir dans la pente, tout en gardant le nez au sol, puisque la graminée fait 20cm de haut. Comme donnée, j'ai celle du Prof. Virgile qui indiquait seulement qu'il avait trouvé cette graminée, entre le mont Genna Arregas et le Mont Bruncu Allasi, tout en rajoutant "la plante est très rare"...Mais il faut vivre d'espoir.

Cela culmine entre 1100 et 1700m, avec des vallons, des rivières asséchées, d'autres avec de petits filets d'eau. C'est granitique au possible. Bien sur, pas un autochtone, ni un touriste. Il faut 30mn de route sur une piste un peu déformée avant d'arriver au départ de la rando. C'est magnifique cependant. 1L d'eau dans le sac, et une bonne dose de courage et je pars. Je monte, puis descend, puis remonte. Je croise des vaches, un lapin, des perdrix, et plein de coccinelles au sommet du Bruncu Allasi. Cela signe la fin de la zone à prospecter. J'ai déjà marché 4h et rien. Beaucoup de graminées trouvées, mais aucune qui ne ressemble à mon avoine douteuse. Au sommet, comme dans les pentes sud, je crois savoir pourquoi la plante a disparu depuis 50 ans : le patûrage intensif des vaches pourraient en être la cause. Elles mangent tout ces sacrées bovines. Mon avoine n'aimant pas le dérangement, elle n'a surement pas survécu à 50 ans de pression de ces gros herbivores. C'est frustrant mais c'est ainsi. Après 7h de randonnée dans ces montagnes sardes, je reviens broucouille. De la, à considérer que la plante est éteinte en Italie, il y a un pas que j'ose franchir. Cela fait partie du business. On cherche, parfois on trouve, parfois pas.

So far, so good