La vie à son therme

Le pas se fait plus lent, les tempes grisonnantes sont plus blanches que grises, la taille de guêpe n'est plus qu'un souvenir, et les 5 sens marchent au ralenti, bienvenue chez les anciens. Loin de moi de dénigrer qui que ce soit, car sur certains aspects je m'y retrouve déjà. Mais comme, je n'y suis pas vraiment encore, j'ai voulu me mettre dans la peau de l'un d'eux comme dans un jeu de téléréalité. J'ai donc franchi la porte d'un hôtel de thermalisme. Bienvenue à Alhama de Aragon.

Un argument m'a fait franchir ce pas: "notre hôtel possède le plus grand lac thermal d'Europe". Nooooon? Il me fallait donc le voir pour le croire. Pour le trouver, il faut suivre les schtroumpfs blancs. L'accès au lac est compris dans les 60€ de la nuitée, tout comme l'est le pt'it dej. Cela me fait penser aux Hôtels Casino de Las Vegas où la nuit est peu chère pour justement attirer le chaland pour enfourner ses dollars dans les bandits-manchots. Et bien ici, pour remplir les nombreuses chambres vieux style de cette institution datant de 1863, on fait pareil. C'est un vrai labyrinthe cet hôtel qui remplit les deux côtés de la route. Dans ma chambre deux peignoirs. Non mais si ils croient que je vais me balader dans cette tenue? Ben si.

Le lac est le long de la voie ferrée, entouré de pins et de platanes, et de vieilles bâtisses, miroir d'un passé flamboyant qui a tiré sa révérence. Toute l'année une eau à 28°C, grâce aux entrées d'eau à 30° venant du sous sol. Ils disent que l'eau du lac est renouvelée toutes les 32h, ce qui la rend cristalline, ce que je confirme. Le lieu sort tout droit d'un roman d'Agatha Christie, et on s'attend à voir débouler Hercule Poirot engoncé dans son peignoir en claquettes en cuir de croco du Nil. Les feuilles de platanes jonchent la surface de l'eau, tandis que dans le fond des centaines de poissons virevoltent, attendant qu'un curiste se pose pour venir lui bouffer les pieds. Le vent s'engouffre entre les fauteuils laissés vide par l'automne. On doit être hors saison. J'entre dans cette eau et je nage quasi seul dans ce lieu unique. Il faudrait y revenir en hiver, quand la neige recouvre les lieux. Ici on est à 600m. Souvent je croise des têtes blanches qui vont d'ici à la bas, puis reviennent, puis repartent, tout ça au rythme du petit déjeuner et des repas, mais aussi des soins, des massages et des jeux de cartes, car oui le soir les espagnols aiment bien s'attabler pour taper le carton. Cet hôtel thermal semble être une destination prisée, moi j'y suis tombé par hasard, car j'ai des plantes qui habitent pas loin. Des fois le hasard...Et comme il ne faut jamais mourir bête, j'apprends que mon séjour me donne droit à un accès aux thermes, là où l'eau soigne les corps meurtris par des années d'excès. J'arrive donc à 19h dans mon beau peignoir et je ne suis pas le seul devant cette porte. La dame ouvre et c'est parti pour 50mn sous des jets à 30, 40°, parfois tout doux, parfois hyper puissants qui vous décrocheraient la nuque. On se pose dessous et on soigne ses maux. Cela tombe bien car en ce moment j'ai quelques noeuds.

Après tout cela, on dort bien ici. Et figurez-vous que c'est la première fois de tout le voyage où je n'ai pas entendu un clébard aboyer dans le lointain. S'approcherait-on d'un lieu paradisiaque...?

So far, so good