Mzungu, how are you?

On mesure le potentiel d'un pays à sa jeunesse, sa capacité à être meilleure que la génération précédente, sa propension à vivre avec les autres, son envie d'accepter et tolérer les différences. Mon passage superficiel au Kenya me laisse à penser que ce pays a un fort potentiel. Quatre fois par jour on peut croiser cette jeunesse en bord de route, sur le chemin de l'école à la maison. Comme je passe beaucoup de temps au bord des routes, nos regards se croisent. Il y a des écoles partout dans le pays, et les élèves, comme dans la plupart des pays africains, sont en uniforme de couleurs différentes selon les écoles. On sent l'ancienne influence anglaise. C'était un débat en France à l'automne dernier. Je n'y suis pas opposé mais je pense que chez nous c'est trop tard pour imposer ça, car on a mieux à faire comme augmenter le salaire des profs, doter les écoles de plus d'infrastructures sportives, réduire la taille des classes, etc. Il faut savoir que le coût des uniformes est énorme et apporte un handicap de plus aux familles pauvres vs riches. C'est pourquoi le Kenya les a rendus gratuits au niveau primaire et secondaire en 2003, augmentant le nombre d'élèves, mais pas tant car les écoles ont instauré des frais cachés qui ont maintenu les inégalités d'accès. Bref rien n'est simple, même si ça tend vers du mieux.

La vérité sort de la bouche des enfants parait-il, même si j'en ai entendu dire de belles conneries. Ici, chaque jour que je croise des enfants allant à l'école, il y en forcément un qui va crier Mzungu,  how are you?" ce qui se traduit "le blanc, comment ça va?". Etonnant comme approche, surtout avec nos repères occidentaux de l'hémisphère nord où la notion de couleur de peau est tabou surtout dans les relations humaines. Pourtant un noir est noir et un blanc est blanc. D'ailleurs, cela me fait bien rire les gens qui parlent de "black" pour ne pas dire noir en France. Quelle hypocrisie. Donc ici au Kenya, on m'interpelle par ma couleur de peau. Mzungu est la contraction de Muzungu qui en kiswahili signifie littéralement "celui qui se balade", puis par extension "celui qui vient d'ailleurs et qui se balade", et comme le blanc ne vient pas d'ici, c'est donc un Mzungu. Ce terme est utilisé dans toute l'Afrique de l'est. Prononcé par les enfants, c'est toujours avec bienveillance, et je le prends comme tel. Le contact est donc enclenché, et je m'approche de ces gamins, on se sert la main et je leur demande le prénom. Ils ne sont pas si timides et me répondent.

Ils partent souvent en fou rire, communicatif d'ailleurs à toute la troupe d'enfants que je croise des deux côtés de la route. Je les sens derrière moi qui chuchotent. Voir un Mzungu dans une région où le touriste blanc ne s'aventure pas est naturellement une curiosité. J'aurais sûrement fait pareil à leur place. Les adultes aussi sont surpris, mais plus dans la retenue. Une chose reste constante c'est que lorsque je salue quelqu'un de la main, il me répond avec la main et un grand sourire en bonus. Si ça ce n'est pas de l'accueil et de la bienveillance envers l'étranger, alors je jette l'éponge. Je suis à Homa Bay à l'est du Kenya sur les rives du lac Victoria qui est le plus grand lac d'Afrique à 1100m d'altitude. Il est tellement grand (320kmx275km) que son périmètre fait 3200km, le rendant le 3ème plus grand lac du monde, et donc pas question pour moi de me dire "Allez ce matin, je fais le tour du lac".

Depuis ce matin, je sais ce que peut ressentir une star comme Taylor Swift ou Bruce Springsteen. Les cris, les applaudissements des fans étaient au rendez-vous pour moi à Homa Bay. Au petit matin, je pars courir, short court, peau blanche bien visible, et cela a suffit a déclencher un tsunami de réactions. Je suis parti un peu comme un fanfaron à une allure rapide, on est au Kenya oui ou non? Mais j'oubliais qu'on était à 1100m. Je ralentis donc vite, mais poussé par cette foule en délire, comment ne pas se surpasser? J'entends des Mzungu par ci, par là, normal les enfants vont à l'école. J'ai même eu droit à des applaudissements. savent-il que je suis M4? C'est difficile d'exprimer mon ressenti de ce matin, à part dire que je me sentais bien dans un endroit où des gens me voulaient du bien. Ce n'est pas toujours le cas. Ma journée pouvait bien débuter. Ce qui est cocasse, c'est que dans 4j, je fais une course en binôme avec mon pote Martial, et il pourra dire "Méfiez-vous les gars, mon coéquipier s'est entrainé au Kenya".

So far, so good