Le paradis est grand

Publié le par Run

Sur une semaine en altitude, il est difficile de faire plus de deux sommets, car pour nous les gens du bord de mer, il faut d'abord rouler, s'installer au camping, puis il faut s'acclimater, et surtout organiser ses courses d'altitude en fonction de la météo, et cette semaine elle n'était pas des plus favorables. Enfin, nous y voila quand même. A 1h de la frontière, au fond de la vallée du Valsarenche, interminable d'ailleurs, on arrive à un cul de sac de parking. Là, 700m de D+ (on entend par D+, dénivelée positive) vous attendent pour arriver au refuge Vittorio Emmanuel II, un turinois aux belles bacchantes, qui fut duc de Savoie, Prince du Piémont puis Roi d'Italie, sacré pedigree. Ce refuge est une belle bâtisse métallique en demi cylindre avec presque 200 lits, une usine à gaz à 2700m. Un petit lac jouxte l'édifice, pas très chaud d'ailleurs. On a pris la demi pension car on se fait vieux. A table, on discute du brexit avec deux anglais qui ont voté pour rester. Ils étaient désespérés et ont repris des cannelloni.

1. Le refuge posé sur le granite comme un Zeppelin

1. Le refuge posé sur le granite comme un Zeppelin

IL y a 82 sommets de plus de 4000m dans les Alpes et le Gran Paradiso, notre objectif à 4061m, est considéré comme l'un des plus simples, ce serait donc stupide de s'en priver. C'est pour cela que le refuge est grand, et que le refuge est plein. Je m'attends donc à des hordes demain sur les pentes, et décide de partir tôt. On se lève à 3h20, on petit déjeune à 3h35 et à 4h on partait dans la pente rocailleuse, guidés par nos lanternes à LED. Une heure comme ça dans la pierre et le noir avec comme carte routière les étoiles. Un guide pas souriant et deux clients nous emboitent le pas. Vers 5h on touche les premiers névés, puis on enfile les crampons. A 6h les premières rougeurs du matin sur les 4000 des Alpes. Quelques cordées devant nous, mais les grosses caravanes sont derrière. La pente s'accentue, on est bien, bon rythme de croisière. En creusant ma mémoire plus concave que convexe, je tente de me remémorer cette ascension. Quasiment aucun souvenir, à part sur la fin, car on avait pas tenté les 50 derniers mètres en rocher qui nous avaient parus vertigineux, et pour cause. C'était vers 1996. A l'époque on avait bivouaqué près du refuge, et on s'était même fait engueulés par le gardien car on a avait pas demandé l'autorisation. On était des jeunes rebelles aux tempes noires.

2. Le jour se lève à peine ; du foehn s'abat sur la Becca de Moncorvé, il est 7h00 à 3800m

2. Le jour se lève à peine ; du foehn s'abat sur la Becca de Moncorvé, il est 7h00 à 3800m

On suit la trace de l'autoroute sans péage. Impossible de se perdre, la carte Top 25 est complétement inutile ici. On amorce quelques virages dans des pentes plus anguleuses entre 3700 et 3900. Le sommet est là, on le voit, une corniche s'écrase sur le granite. On retrouve nos deux Remain boys de la veille au soir, clic clac, on immortalise nos visages avec le Mt Blanc comme tapisserie. Une dernière pente raide, et on pose nos piolets. De là, s'en suit une traversée de 50m sur arête rocheuse pas piquée des hannetons, avec les crampons au pied, sinon ce serait trop simple. Des spits bien placés pour assurer, car dessous nos pieds ce sont 500m de vide.

3. Là où s'arrête la neige commence la traversée au dessus du vide, on ne le voit pas car il est de l'autre côté, mais croyez moi sur parole 5. C'est une belle ascension qui avec ces nuages de foehn donne une ambiance de haute altitude, à recommander 5. Emportés par la foule qui nous traine, nous entraine, écrasés l'un contre l'autre, nous ne formons qu'un seul corps, et le flot sans effort, nous pousse, encordés l'un et l'autre, et nous laisse tous deux, épanouis, enivrés et heureux...comme des piafs face à la vierge.
3. Là où s'arrête la neige commence la traversée au dessus du vide, on ne le voit pas car il est de l'autre côté, mais croyez moi sur parole 5. C'est une belle ascension qui avec ces nuages de foehn donne une ambiance de haute altitude, à recommander 5. Emportés par la foule qui nous traine, nous entraine, écrasés l'un contre l'autre, nous ne formons qu'un seul corps, et le flot sans effort, nous pousse, encordés l'un et l'autre, et nous laisse tous deux, épanouis, enivrés et heureux...comme des piafs face à la vierge.
3. Là où s'arrête la neige commence la traversée au dessus du vide, on ne le voit pas car il est de l'autre côté, mais croyez moi sur parole 5. C'est une belle ascension qui avec ces nuages de foehn donne une ambiance de haute altitude, à recommander 5. Emportés par la foule qui nous traine, nous entraine, écrasés l'un contre l'autre, nous ne formons qu'un seul corps, et le flot sans effort, nous pousse, encordés l'un et l'autre, et nous laisse tous deux, épanouis, enivrés et heureux...comme des piafs face à la vierge.

3. Là où s'arrête la neige commence la traversée au dessus du vide, on ne le voit pas car il est de l'autre côté, mais croyez moi sur parole 5. C'est une belle ascension qui avec ces nuages de foehn donne une ambiance de haute altitude, à recommander 5. Emportés par la foule qui nous traine, nous entraine, écrasés l'un contre l'autre, nous ne formons qu'un seul corps, et le flot sans effort, nous pousse, encordés l'un et l'autre, et nous laisse tous deux, épanouis, enivrés et heureux...comme des piafs face à la vierge.

On atteint la vierge, on est seuls avec elle, mais je vois au loin les bonhommes de neige multicolores qui se rapprochent. Il fait froid malgré le soleil. On est à 4061m, ce qui peut expliquer cela. On redescend sur la roche, frôlant le vide, et sentant la pression de ceux qui sont en face et qui veulent aussi toucher la vierge, dont il ne reste que le nom. Le reste est une belle descente de 2300m de D- (dénivellée négative) encordés à 6m. Comme on ira tous au paradis, qui s'inscrit pour un premier 4000 avec moi?

So far, so good

6 Immaculée dans sa conception

6 Immaculée dans sa conception

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G
Respect pour celui qui a monté la vierge jusque là!
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X
Cette vierge immaculée en perpétuelle érection à plus de 4000 me rappelle la première fois que j'ai enfilé des crampons, juste après avoir touché mes non-moins premiers nénés. J'étais à l'époque benjamin dans l'équipe de rugby du TCMS (Toulouse Cheminot Maringot Sport, pour les incultes), et j'ai eu des rougeurs. Mais tout ça c'était loin, très loin du grand paradis...
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G
Pendant ce temps la, nous on évangélise la Serbie à grand coup de pinte!!!
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L
Hier lors d'une ascension bien plus modeste au dessus du lac d'Annecy avec mes deux gars, Tom me faisait remarquer que la notation D+ ou dénivelé positif lui semblait des plus incongrues puisqu'elle qualifiait la partie montante de la randonnée. Hors pour lui, le positif réside davantage dans la descente, notée D- dans les topos. Considération algébrique à méditer lors de notre prochaine rencontre au sommet...
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X
Hein ? quoi ? J'comprends rien. De toutes façons, D+, c'est un truc de trailers en collants le regard rivé sur leurs montres GPS (Suunto Ambit, par exemple). Pour un montagnard, un vrai, D+ correspond à la cotation de la voie, c'est à dire dans ce cas, un peu plus que difficile, mais quand même pas très difficile (TD).
V
Vraiment belle immaculée !!
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