Proust avait raison
"Gigi !... Gigi ? C'est toi là-bas dans le noir ?
Attends... laisse-moi te regarder...
Mais... mais tu pleures Gigi"
Comme disait Dalida, la plus grande chanteuse du monde, il est un peu difficile de retourner à la base de ses racines. Gratter le sol, et voir le passé resurgir. Au détour de la Via casale, N°6, j'ai rencontré Marco, il padrino du quartier, la frange locale de ma famille, celui qui m'a sauté dans les bras du haut de ses 78 ans quand j'ai dit qui j'étais. On ne s'était jamais rencontrés, mais j'ai donné les mots clés - Je suis le fils de...le neveu de la tante...- de ces mots-clés qui ouvrent les portes pour accéder à l'une des choses les plus précieuses au monde: le cœur des hommes. Je suis à Corato, petite ville de 50,000 âmes du centre des Pouilles. A quelques encablures du fameux Castel del monte, patrimoine de l'Unesco.
1. En arrière plan, le chateau octogonal, Castel del monte, que vous pourriez également croiser sur les pièces de 1 centime, la culture ne coute pas cher
Le passé, comme un ballon de foot, m'a frappé en pleine face, des gènes réprimés se sont remis à s'exprimer. Le ciel bleu nous entourait, une brise douce et fraiche caressait nos visages émus par ces retrouvailles. Nous avons pris un café. Son accent me rappelait tout, les danses de tarentelles, les sourires, les fêtes... en une fraction de seconde des pans de mémoire ont resurgi. Et si il n'y avait eu que cela. Hier je vous parlais de la focaccia, aujourd'hui ses arômes ont explosé dans mon palais. Huile d'olive 1ère pression à froid, farine de blé dur, tomates muries au soleil, et origan sur deux centimètres de haut. J'avais ma madeleine entre les dents, et je venais seulement maintenant de m'en rendre compte. Mes pantalons s'étaient raccourcis, mes cheveux avaient noirci, ma barbe disparue, et j'écoutais les adultes avec beaucoup de respect. En écoutant parler ce padrino qui me tenait la main, en croquant dans cette focaccia d'un boulanger perdu dans la ville de Corato, j'ai juste fermé les yeux et profité.
Depuis des mois déjà, j'ai entamé un livre: Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé. Je le prenais toujours dans mes voyages, et je le ramenais toujours à la maison sans l'avoir fini. C'est une épopée à travers les générations d'une famille, les Scorta, issue d'un petit village de la presqu'île du Gargano, dans les Pouilles. Les mots parfaitement choisis racontent toutes les émotions que je traverse aujourd'hui en revenant ici.
Comme une évidence, je l'ai fini ici. La boucle est bouclée.
So far, so good