Appia, à pied ou à vélo
-Avé Cassius
-Avé Claudius
-Dis moi, tu sais pas où sont les clés des latrines?
-Les clés Cassius? Je crois que c'est Mohamedius qui les a, mais il est malade et au lit?
-Ah? Mohamedius au lit?
Voilà le type d'échange que l'on pouvait entendre quand deux gladiateurs, dignes ancêtres des boxeurs, se croisaient sur la Via Appia. Cette voie, construite sous la direction de l’édile romain Appius Claudius Caecus (d'où le nom de la Via), entre Roma in Lazio et Brindisi in Puglia, il y a 2400 ans, soit à partir de 312 av. J.-C., n'était autre que la 1ère autoroute du monde. À l'apogée de l'Empire romain, il y avait 29 routes principales autour de Rome atteignant tous les coins de l’Empire, mais surtout au retour, tous les chemins menaient à Roma. Tout comme la Via Appia, ces routes étaient pavées avec des fossés de drainage et avec latéralement des sentiers. Une balade en vélo de nos jours se passe plus souvent sur ces sentiers que sur les dalles qui sont un vrai tape cul.
1. 32km aller/retour à faire en VTT par une belle journée de soleil 2. Quand on partait sur les chemins, y'avait Firmin et Sébastien, et puis Paulette... 3. La magie des voies romaines, c'est qu'elles ont gardé les stigmates des roues ferrées des chars, un moment assez émouvant.
Beaucoup de civils romains marchaient le long de cette voie, des militaires aussi, et puis les autres étaient en char, individuel, à deux, ou à 4. Les romains ne montaient pas à cheval, et le char était le bienvenue, de belles feignasses soit dit en passant. Les chars faisaient beaucoup de bruit, car les roues étaient ferrées, c’est pourquoi ils étaient interdits dans les grandes villes comme Roma durant la journée. Mais la nuit, les habitants devaient supporter le bruit des roues, et parfois en avaient marre, d’où l’expression « Arrête ton char ». Au bord de la Via Appia se trouvaient des maisons, des camps militaires, et des aires de repos (mansiones) qui servaient des boissons et parfois de la nourriture. Cependant, ces aires de repos avaient une mauvaise réputation et étaient souvent fréquentées par des prostituées et des voleurs. Rien n'a vraiment changé en 2400 ans.
4. La via Appia en 2025 c'est cette portion préservée et buccolique de 16km, mais une grande partie de l'antique via appia est devenue une vraie autouroute ou juste une nationale (strada statale) qui amène vers Napoli, puis Brindisi; en cette journée une nonne randonneuse marchait au loin perdue dans ses pensées vers Papa Francesco qui n'est pas dans la meilleure des formes en cette année de Jubilée 5. Une borne kilométrique d'époque
La villa Quintili, du nom des deux frères riches propriétaires, était un vaste parc luxueux, comprenant des bains, des citernes alimentées par des aqueducs, toujours en place, et même un hippodrome ou pas moins de 10 chars en ligne pouvait faire la course avec 10000 spectateurs assis. Cette villa jouxte la Via Appia Antica, et on imagine les bouchons de chars à l'entrée du parc, agrémentés de quelques engueulades, puisque les klaxons n'existaient pas encore. Il parait que l'expression "va donc te faire voir chez les grecs" date de cette époque.
6. La villa Quintili avec encore de beaux restes 7. Effigies de nobles romains scellées dans le marbre en bord de via appia 8. Comme les bouts de marbre cassés sont partout, le seul café au bord de la via en a tapissé son mur extérieur comme une mosaïque; je vous assure que prendre un cappuccino à cet endroit là, hors saison, sans touristes qui passent, est un régal sans nom
Jouxtant la Via Appia, de nombreuses catacombes. Le sous sol de Roma est fait de tuff, une roche volcanique qui s’effrite quand on la creuse, mais qui durcit à l'air. Les curés l'avait bien compris, et ils ont donc creusé un peu, beaucoup, à la folie et passionnément pour enterrer les disciples du christ. On parle alors de catacombes. L'une des principales est San Calisto, sur la Via Appia presque à son début en quittant Roma. Figurez-vous que 500 000 morts fûrent enterrés entre 10 et 20m de profondeur. Plus d'une soixantaine de catacombes existaient aux temps romains, mais juste moins d'une dizaine sont encore visibles, et San Calisto (entrée à 10€) est la plus impressionnante. Sous terre, ce sont 20km de réseaux, d'escaliers, de travées qui s’enchevêtrent comme un vrai labyrinthe. Sur plusieurs hauteurs, on voit des trous rectangulaires correspondant aux tombes qui étaient scellées par des plaques de marbre gravées de dessins, de noms et de dates. A présent, après 2000 ans, tout est vide, pillé et aussi préservé pour pas que le touriste ne ramène un tibia dans sa valise. Pas un seul crane à voir, quelle désillusion. Mais le lieu vaut quand même le détour, ne serait-ce que pour apprécier une température de 15°. Car entre vous et moi, dans ces conditions idylliques de stockage, ne serait-ce pas mieux d'y faire vieillir du pinard, comme un bon primitivo de Puglia ou un nebbiolo de Barolo piémontais?
So far, so good