Aller au charbon
Tout expression a sa source. On pense de suite au mineur qui par obligation de nourrir sa famille devait aller extraire, souvent au péril de sa vie, du charbon souterrain. C’était dur et harassant, et l’expression y fait référence. Un examen à passer? se lever un lundi pour aller travailler? faire une tache domestique qui rebute? tout cela implique donc d’aller au charbon. Et bien moi, en ce vendredi 26 juillet 2024, je pars au charbon, mais avec la particularité d’y aller au sens propre et figuré de cette expression. Entre le 25 mars 1836 et le 15 juin 1923, vivait au nord ouest de la Slovaquie, un prêtre du nom de Josef Holuby. Vivre 87 ans au 19ème, voilà déjà une belle performance. Mais Josef était non seulement un prêtre évangéliste mais aussi un naturaliste puisque botaniste, et puis un historien, un archéologue, un écrivain et un ethnographe, bref un homme complet avec multiples facettes. Josef aimait les gens, leurs coutumes et a vécu presque toute sa vie au petit village de Zemianske Podhradie. Et bien moi je vais y passer 4 jours dans ce village et grâce à ce botaniste, un peu malgré lui d’ailleurs.
1. Le vieux Josef sur les pentes herbeuses de son village d'adoption de Zemianske Podradhie 2. Et le fameux village au milieu des collines
Le jeune Josef a 14 ans en 1850 et part étudier 5 ans au lycée de Bratislava, et devient un Bratislava boy avant l'heure. Durant ses études secondaires, il publie ses premiers ouvrages de botanique. Le centre de ses activités botaniques était justement à Zemianske Podhradie, où il arriva après avoir terminé ses études théologiques à la fin de 1861 à 25 ans, puis en repartira définitivement en 1909. Pendant 48 ans il va donc herboriser autour de ce village campagnard tchécoslovaque à l'époque, découvrir des plantes en tout genre, les archiver, leur donner des noms et son travail est inestimable, et je ne parle pas de toutes ses autres activités de sociologue et d’historien. il trouva donc la graminée, du doux nom d'avoine de Venténat (du nom d’un autre botaniste mais français) qu'il fixa sur une planche d’herbier. Pendant 110 à 150 ans, cette planche d’herbier a dormi dans un muséum en Hollande sans que personne ne s’y intéresse, puis vers 2018 un botaniste bulgare met la main dessus, l’examine et se rend compte que cette plante est contaminée par un…charbon.
Un charbon en biologie est un agent pathogène qui contamine les graines des plantes. On connait tristement, pour les plus vieux d'entre nous, les ravages faits par l'ergot du seigle au moyen-age. Ainsi, en 945, le moine clunisien Flodoard (894-966) note dans ses Annales une épidémie de peste de feu : “Un feu intérieur envahit les membres des hommes ; insensiblement brûlés, ils finissaient par être littéralement consumés jusqu’à ce que la mort mette fin à leurs supplices ” (source: voir lien ci-dessous).
Quelques heures, voire quelques jours, après que le seigle ou le blé contaminé ait été ingéré, survient une perte de sensibilité, puis des desquamations, et enfin une gangrène sèche des extrémités qui les nécrosent rapidement. La sensation de brûlure ressentie par les malades associée au noircissement des chairs donne naissance au Moyen Âge à cette représentation d'une victime carbonisée de l’intérieur. On parle d'ergotisme. Cette semaine rien de tout ça, mais juste que je cherche ce champignon sur cette avoine. Pour utiliser une image, je dirai déjà que trouver la plante serait comme trouver au moins une aiguille parmi 100 aiguilles cachées dans une botte de foin, et une fois trouvée, il faudrait tomber sur la seule aiguille sur les 100 qui serait sans tête d'épingle. Vous avez la métaphore? ben moi aussi, et c'est ce qui me fait peur. Pour résumer, ce que je cherche est extrêmement rare, mais peut être éteint. Bref, on va donc pas s'enflammer en espérant un miracle, car je ne suis ni prêtre comme Josef, ni pape.
So far, so good