Le petit Antonio
Etre ilien, c’est être à part du monde. C’est se retourner vers tous les points cardinaux, voir comme horizon la mer toute sa vie est s’en satisfaire. Antonio est né et a grandi sur Pantelleria, tout comme son père, son grand père, et encore avant surement. Ici on parle de filiation paternelle plus qu’autre chose, mais ce n’est pas du machisme. La culture latine ne dénigre pas pour autant le rôle des mères, bien au contraire, mais quand on parle d’ancrage au sol, aux racines d’une terre, c’est la figure du père qui pointe. Que les femen lectrices de ce blog se jettent sur moi nues si elles ne sont pas d’accord.
1. Sur le mur de chez Antonio sèchent des tomates cerises, une spécialité de Pantelleria est de les faire sécher en grappes attachées au soleil 2. Antonio et massimo avec à la main la bonne huile d'olive
Pour Antonio, la roche noire basaltique correspond au livre de sa vie. il est né en 1965 à 300m d’altitude au dessus de Scauri, au sud ouest de Pantelleria. Ici le vent façonne la forme des branches, la hauteur des arbres et burine la peau des hommes. Cultiver la terre a été le fil directeur des familles de cette île. Encore aujourd’hui Antonio fait son vin, son huile, ses câpres (3 tonnes en 2019), fait sécher ses tomates au soleil et doit bien encore avoir quelques poules quelque part. Son père avait ce dammuso avec vue sur l’immensité, qu’il a légué à son fils, et ce dernier ne le vendra jamais. Avec fierté, Antonio nous a fait entrer dans cette maison où le temps semble s’être arrêté. J’imagine ce père, mort précocement dans les années 1978, qui n’avait surement que très peu quitté son île, à part pour aller à Palermo, et qui déjà faisait son huile, son vin et qui le soir, les mains chaudes et crevassées d’épuisement, regardait le soleil se coucher comme le faisait déjà son grand père. Enfant, Le petit Antonio l’accompagnait dans les champs, agencés en terrasses bien sur, car du sommet de l’île à 846m, tout se décline en pente vers la mer. Une vie sur l’angle. Ils avaient des mules, deux cochons, des chèvres et des poules. Une certaine idée de l’autosuffisance alimentaire et du commerce local, chers à nos vies citadines post covid. Antonio nous fait entrer dans son « caveau » où mature le Passito (36 mois de garde avant de le mettre en bouteille), et le Catarratto. On les goutte, on les apprécie. Étonnamment, le vin parait toujours bon dans un caveau. Il nous raconte comment il récolte, comment il vinifie avec un accent sicilien aussi fort que l’acidité de son vin blanc. En Sicile, il y a cinq façons de dire « moi »: io, yeh, yo, et j’en oublie, mais Antonio dit souvent nous.
3. Des hauteurs de l'île on voit la reprise des activités de tourisme 4. Jardin de la maison des parents d'Antonio, avec le cercle qui était le lieu de récolte du blé avec une mûle qui tournait; au fond le village de Scauri avec son cimetière perché
5. La belle piscine moderne, chaude et face à la mer; Antonio est maçon et a tout retapé; il y a tout le confort dans son appart, et en rentrant deschamps, un plouf et ça repart 6. Antonio a grandi avec ce lieu culturel, qui a l'air d'avoir tellement bien vécu qu'il en est mort; j'imagine des films d'Ettore Scola ou Sergio Leone projettés ici dans les années 70/80