L'ivresse des hauteurs

Publié le par Run

Une pierre ici. Les tumultes de l’intérieur réveillent sans prévenir. Une autre là. Il y a presque cinq minutes que cette feuille est tombée. Je suis déjà passé. L’élément Terre est l’aimant tellurique qui attise ma curiosité. Anfractuosité du granite sur laquelle aucun regard ne s’est posée, je te vois, je t’admire d’être seule dans l’immensité de la vallée à regarder toujours dans le même direction. Mon pied survole ta congénère restée au sol. Ma main gauche se serre dans la poche d’oie, l'autre caresse le rhytidome usé par le temps d'un perceur de cime. Ces plaques de glace sont givrées d'avoir passé la nuit dehors. Chacun sa vie.

L'ivresse des hauteurs

L'altitude est ingrate, je le sais pourtant. L'altitude est généreuse, je le sais aussi. J’ai l’ascension facile comme un jeudi, le souffle court du lama d'altiplano. No se ve bien sino con el corazon. Un vol de jour me porte là où personne n'a jamais simultanément posé son pied, sa main et son oeil aux mêmes endroits. Personne je vous dis. Un parcours de chance se mêle à une patience dans l'azur. Virevolte la balançoire portant ce gamin qui voulait voir si la neige était aussi blanche de l'autre côté. Pourquoi monter? Pour cette lueur du petit matin, toujours trop tôt, toujours trop beau.

L'ivresse des hauteurs

Viens dans mon panorama, glisse ta paume dans la mienne, ensemble c'est toujours tout. On ne voit au loin que volupté, plénitude, et enchevêtrement de crêtes pointues, grises, brunes, bleues. Je regarde derrière moi, et au bout de la corde, au bout du sentier, au bout de ma vie, nous savons tous les deux que ce que l'on voit nous appartient. Le feu intérieur brule loin du niveau de la mer, comme une vague que l'on ne pourrait jamais surfer tellement elle nous impressionne. Un feu sans flammes. Deux mille seize, année de la braise. Et ensuite, combien de mètres à avaler et combien de bosses à rouler? Une petite musique m'envahit. Pause.

L'ivresse des hauteurs

Je transpire au meilleur car l’atmosphère est remplie de tendresse, une plongée en apnée vers l’altitude, des mains de fraicheur se posent sur mon visage, je sens l'appel et je marche encore et encore vers là haut, car rien ne m’y pousse. Des étincelles manifestes du vertige de l'automne s'illuminent pour défier ma raison. Une envie soudaine me prend de regarder d’en haut la calvitie de la canopée, de deviner l’aiguille rousse qui prend l’angle à l’arrivée de la bourrasque, et de toucher ce petit caillou insignifiant qui m'attendait au sommet. Mes chaussures avalent les lacets comme pour fuir la mélancolie. Embrasse-moi, immensité impénétrable, recouvre-moi de cette brise câline, enveloppe-moi des saveurs de la résine, réchauffe-moi de cette roche granuleuse. Je suis en haut, je n'ai pas peur, je suis bien. Je laisse aller mes rêves le long de la frontières des possibles, et je sais que jusqu’à mon dernier claquement de systole, j'aspirerai à l’ivresse des hauteurs.

So far, so good

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C
WOuaaah impressionnant ton petit film !!!! merci de nous faire voyager :)<br /> Vivement que tu rentres.... tu nous manques :(
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