Cappadoce à moi

Il y a certaines terres lointaines que je connais comme ma poche. Cette partie centrale de la Turquie en fait partie, et j'y suis pour 4j. La Turquie est juste un superbe pays que je recommande à tous, car même après plus de vingt visites, j'ai toujours envie d'y retourner. Une vraie terre de contraste autant dans les paysages, les climats, que les comportements. C'est un pays de montagnes et de plateaux autant que de criques et de plages de sable. C'est un pays de femmes voilées, voire très voilées, et de femmes aux bras nus, ou aux talons hauts. C'est un pays de fermes qui se chauffent à la bouse, et de fermiers qui se déplacent en chariot tiré par un cheval, et d'universités scientifiques aux infrastructures à faire pâlir une majorité de labos d'occident.

La Cappadoce est centrale, et autour d'elle il n'y a rien à visiter pour un touriste moyen à part des lacs salés asséchés et des forêts de pins, si bien que les touristes arrivent par avion et repartent comme ils sont venus. Il y a cependant beaucoup à voir à côté. Un pays ne se comprend pas que par ces sites touristiques. Moi, j'ai cette chance de voir autre chose.

Je me souviens de mon tout premier voyage en Turquie en 2001. Nous marchions dans un champ, un peu comme celui-ci, c'était l'été, un été qui n'existe que dans le nord de la Turquie, quand soudain s'approche Mehmet. On ne comprend pas ce qu'il nous dit, et un dialogue de famille Bélier s'installe. Il repart. Puis revient avec un plateau et du thé. On s'installe sous un arbre. Le soleil tapait fort. J'étais novice, je découvrais le Monde, et ses habitants. Je sors mon lexique de poche anglais/turc, et avec un turc de petit nègre, j'apprends que Mehmet à 11 enfants et qu'il est fermier. Mais j'apprends surtout que malgré la barrière de la langue, de la culture aussi, Mehmet, fermier au visage buriné, surement avec une éducation scolaire limitée, est un homme généreux qui nous souhaite, à sa façon, sans peur, bien au contraire, la bienvenue dans son pays. Cette Turquie qui fait peur à tous les occidentaux, avec presque 80 millions d'habitants et où 3% du territoire seulement est en Europe, le reste en Asie, mais surtout où 98% du peuple est musulman. Mehmet n'avait cure de cela quand il est venu vers moi. Entre hommes de bonne volonté, boire un thé, c'est comme fumer un calumet.

Depuis je reviens toujours, et j'ai la chance de sortir des sentiers battus. Alors j'aime ces petits villages qui ne paient pas de mine, où on commande un Adana kebabi (brochette de viande avec salade de tomates/concombres) avec une kasarli pide (pain farci de fromages cuit au four à bois), perdus loin de tout après des heures de route. L’accueil est toujours souriant, et tout se termine par un thé ou un café turc.

Je ne pourrais pas résumer cette région dans cette page. Faut y venir. Outre les maisons troglodytiques, sculptées dans la roche, outre les cheminées de fée, il y a le calme des vallées avec cette terre de sable si fertile qu'une graine tombant au sol germera toujours. J'aime me perdre dans ses vallons agricoles où chaque terrasse est cultivée, où un âne est parfois derrière un angle de falaise avec dessus le patron des lieux qui me salue. Ici c'est paisible, et j'ai de la chance d'y venir travailler de temps à autre. Pourvu que ça dure, inch'allah.

So far, so good