Je suis bien mon thé

Du sud au nord, puis du nord au sud, je suis la culture de thé Rooibos. Voilà bien un produit sudaf par excellence. Le rooibos c'est l'une des nombreuses plantes du fameux fynbos qui est un ensemble de plantes rares, endémiques et patrimoniales de la région du Cap. C'est unique au monde et c'est ici en bord de côtes. Dans le fynbos, on trouve des géraniums, des aloés, des euphorbes, et le thé rooibos (Aspalathus linearis) qui a ensuite été domestiqué pour ses propriétés. La production a grande échelle a un peu plus de 100 ans, avant c'était une récolte à la hache par les fermiers car le rooibos est un buisson rouge. Antistress, riche en antioxydants, sans théine, anti-allergéniques, et j'en passe. Plutôt que thé, on devrait dire tisane, mais c'est moins vendeur. Quand je lis une notice des bienfaits du rooibos, je me dis que je devrais en boire des litres, car il guérit tous les problèmes que j'ai. Suis sur qu'on trouve des suppositoires antistress au rooibos.

Un entomo a dit un jour que Bagrada attaquait le rooibos. Ni une, ni deux, je veux vérifier. On part à 250km au nord de Cape town, à Clanwilliam exactement, perdu dans le bush. Le patron et son fils nous accueillent. Le bon accueil en sudaf est une institution. Sourire, plaisir de me rencontrer, on nous a même offert une pastèque. Un autre fermier producteur d'épinards aimait la France, et a même échappé au massacre du Bataclan alors qu'il était en terrasse. Ou alors mon fameux boucher de biltong qui disait en aparté qu'il n'avait jamais vu la neige. Les gens se parlent, racontent leurs histoires, échangent partagent. Même quand je n'ai plus de monnaie à donner au Monsieur pipi, ce dernier me fait un check du poing avec un grand sourire. Bon, je reviens à mon rooibos. On part dans les champs de sable, le toyota joue enfin son rôle. Le rooibos pousse en ligne, sans irrigation, bien sur, c'est une plante locale.

Une heure passée à chercher cette satanée punaise sur des feuilles effilées. Il fait 40°c au compteur. Rien. Puis mon regard se pose sur une mauvaise herbe, une moutarde, au milieu des rangs, je m'approche et tombe sur un bébé bagrada. Bingo, elle est là la coquine. On change notre fusil d'épaule, et on passe au champ du dessus, on quitte le rooibos et on entre dans un champ de pastèques. Lui est irrigué à donf, les mauvaises herbes sont pléthores, tout comme les bagrada. Le mystère est levé, le rooibos n'était pas la bonne plante. On a vérifié ça dans d'autres cultures. CQFD.

Le voyage en sudaf est terminé. Je remonte progressivement en latitude et en altitude. C'est un chouette pays avec beaucoup de gens humbles croisés, si chouette que je sais que je reviendrai.

"Après avoir gravi une belle montagne, on se rend compte qu'il y en encore beaucoup à gravir" Nelson M.

So far, so good