Le monde est bleu comme toi

Publié le par Run

Cette année, ce sont trois livres qui accompagnent slips, maillots, et brosse à dent dans ma valise multicolore. Deux offerts par mes fées adorées, et le 3ème est un livre de chevet du plus grand écrivain français.

Mio padre par Rossana Campo, Eds Calmann-Lévy, 2017 : C'est l'histoire d'un père qui disparait. Dommage il avait un joli prénom: Renato. Et il reste une fille, qui l'adorait malgré ses défauts. Faut dire qu'il en avait le bougre . Comme écrivait le grand Serge à propos de son chien "C'est moi qui boit, et c'est lui qui est mort d'une cyrrhose". Et bien Renato a survécu toute sa vie à sa bouteille, puisque les médecins le donnaient déjà mort à 30 ans. C'est donc l'histoire de Rossana, écrivaine italienne de renom, qui se livre sur son père. Il est écrit roman sur la couverture, mais pour moi c'est une autobiographie. J'aime bien ce style direct, sans ambages, on va à l'essentiel, dans cette substantifique moëlle de l'émotion qui ne manque pas de nous envahir quand on touche à la relation père-fille. Je trouve belle cette couverture nostalgique des années 50, où on devait vivre d'illusion et de joie de vivre, sans penser au lendemain. La classe à l'italienne de ces années Scola et Fellini. Un Marcello raisonne au détour des ruelles de Rome où Anita lui criait, Marcello, where are you?. Arrivederci Roma. Ici un père qui transmet sa veine poétique, là une fille qui exprime sa tristesse tout en la sublimant par l'écriture. Uni l'un et l'autre par la plume. Tout arrive à qui sait attendre. J'imagine que quand on père un parent, on redevient enfant, la mémoire enfouie de nos années culottes courtes nous revient comme un boomerang. Rossana exprime bien ce fil tendu entre ces époques. Alors pourquoi il est écrit parfois que c'est le moment où l'on perd un parent que l'on devient enfin adulte? Peut être qu'on a pu la peur de déplaire à quelqu'un. Le chemin devant soi devient alors celui que l'on se trace soi-même, comme un(e) grand(e).

Le monde est bleu comme toi

Petit pays de Gaël Faye, Eds Grasset, 2016: Encore une couverture bleue. ça va bien avec la couleur de la mer Egée. Ce roman a reçu le prix Goncourt des lycéens. G. Faye est un touche à tout, écrivain, chanteur. C'est un premier roman. Là aussi, on se plonge dans l'enfance, mais une enfance brisée, qui n'a en fait jamais existé, car c'est l'autobiographie d'un gamin qui a vécu les génocides rwandais et Burundais. Je ne l'ai pas encore commencé, mais je pense que ça devrait bien se passer.

Le monde est bleu comme toi

Un amour de Swann, Marcel Proust, Editions poche et autres, 1913: Bon là, c'est du lourd. Même si Proust a eu du mal à faire éditer son bouquin, qui fut de multiples fois refuser. C'est juste avant la 1ere guerre que Grasset le publie. J'ai lu ce livre à 15 ans, et je m'en souviens encore, et pas seulement de la fameuse madeleine. Proust est un enchanteur de périphrases, un enveloppeur de mots, un révolutionnaire littéraire qui a apporté une pensée réfléchie du récit. On ne sait pas où il nous emmène, mais peu importe on y va avec lui. Pour paraphraser le grand poète Sellig Serrabed, je dirais que Proust est un "explorateur d'interstices". Je m'y reconnais bien là. En cette année 2017, un miracle a eu lieu en février. Jusqu'à présent on ne connaissait Marcel qu'en photo, mais dans des archives filmées de 1904, on pense avoir vu Marcel assistant à un mariage. C'est unique et magique à la fois. On voit un dandy moustachu, une sorte de YMCA  des temps anciens, descendre des marches. C'est jouissif. C'est comme si on trouvait une vidéo de Linné qui plantait des graines de baobab. Dans l'oeuvre d'A la recherche du temps perdu, Un amour de Swann a une place particulière. C'est l'histoire d'un amour compliqué, asynchrone dans le temps entre un homme et une femme, bref générateur de regrets. Proust, dans la bouche de Swann, écrira comme dernière phrase "Dire que j’ai gâché des années de ma vie, que j’ai voulu mourir, que j’ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre !". Que cela serve de leçon aux futurs amoureux.

So far, so good

Avec ces livres, c'est la couleur bleu qui me submerge, et pour l'illustrer je vous propose ça

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L
et pis, quand on perd son père, on retombe pas en enfance, on ne devient pas adulte, on tombe dans un gouffre ou plutôt dans une fosse marine, on voit le BLEU au dessus très loin... on continu à flotter mais l'air et les repères manquent plus souvent.
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L
Merci pour la vidéo de Marcel Proust, j'ai lu un Amour de Swann l'année dernière pour la première fois et "explorateur d'interstices" résume tout à fait ce que je pensais. Un formidable explorateur des sentiments humains profonds, le tour de force est d'avoir mis les mots sur cette exploration.
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M
N'oublie pas d'écouter la BO du livre de Gael Faye "pili pili sur un croissant au beurre" <br /> <br /> Moi j'l'ai découvert à un concert et son flow m'a porté jusqu'à l'entrée principale sur le lac Prespa... ou presque.<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=fV4iLBFmNY4&index=5&list=PL98F97C7CF141E11C
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