Soyez le bienvenu
Où que vous soyez au Maroc, en zone urbaine bien sur, mais surtout au milieu de nulle part, il y aura un marocain qui se pointera à vos côtés sans que vous vous y attendiez. Comme si le Roi avait décidé de quadriller le pays avec un habitant au kilomètre carré. Vous vous arrêtez en bord de route pour une pause technique disons, autour de vous c’est un désert de cailloux avec même pas un arbre pour mettre à l'ombre un ténébrionide, et faudra pas 5mn montre en main pour qu’un homme sur un âne, un jeune et son troupeau, une femme et ses fagots ne passent par là. C’est comme ça. Et bien cette année, non seulement je l’ai vérifié pour le peuple lambda, mais en plus ça marche aussi avec la police.
Moi grand voyageur, je suis aussi grand conducteur. Forcément, j’augmente les probabilités de discuter avec un agent de police. Bulgarie, N. Zélande, France, US, Turquie, je ne compte plus les contrôles inopinés dans toutes les langues, et parfois même les amendes. Cinq, 10, 15km/h au dessus de la limite qui ne l’a pas fait? Bien sur, c'est toujours avec regret, car ce n’est jamais pour faire une étude sociologique des forces de l’ordre que j’enfreins la loi, et pourtant...
Cette semaine, je suis resté quatre jours au Maroc, et mon chemin avec la maréchaussée s'est croisé trois fois: un record.
2. Une façon de respecter les limites de vitesse, choisir le 103 Peugeot. Mais le port du casque est obligatoire. ce qui fait que cet imam qui se balade entre les capriers est en infraction.
Mardi, autoroute Casa-Marrakech. Une belle autoroute entrant dans les terres. Une limite à 120 que je pense bien respecter. Des panneaux radar sont distillés ça et là, je les vois bien, je suis prévenu. Je vois cependant aucune boite à radar. Soudain, un agent surgit du bord de la route et m’indique l’arrêt. Controle papiers, puis l’annonce fatale, Monsieur vous avez été contrôlé à 141kmh. Stupéfaction, les bras m’en tombent du volant. Une stratégie qui a souvent marché, je ne conteste pas et joue l’acceptation. Je monte dans le fourgon. Et c’est là que tout commence; ça fait 700 dirhams ?» soit 70€. Quoi c’est énorme. C’est le prix Monsieur Sforza, vous payez en fonction des tranches de dépassement. Il me les énonce, mais bizarrement ça colle pas avec le prix. Je refais le calcul avec lui compte tenu de la marge d’erreur de 7kmh, je divise par l’age du commissaire, je retiens 2 et ajoute la racine carré de la cylindrée, bref ça passe à 500. Et c’est là que vous savez qu’il se passe un truc, l’agent sourit très légèrement et discute en arabe avec son collègue. Je souris aussi, mais reste en français. 10mn se passe, je paie 300, et il me dit Soyez le bienvenu. Je reprends la route.
Mercredi c’est Bagrada. On est trop excités à l’idée de récolter. Nous sommes à l’hôtel Abda de Safi, un hôtel sans intérêt, sauf que dans la rue c’est truffé de panneaux de stationnement. Moi arrivé la veille au soir, je me gare sur l’emplacement de l’hôtel, enfin je le pensais. P'tit dej avalé, je reçois un appel urgent de la réception: Avez vous une voiture logan noire?; Oui; elle part à la fourrière. Ah tiens, on ne me l’avait jamais fait ça. Petite question pour vous chers lecteurs : savez-vous où se trouve la fourrière dans votre ville? moi pas, mais celle de Safi, à présent, je la connais. Je m’énerve à la réception. On part en taxi à la fourrière. Ouf la Logan est là. Alors voilà, faut payer le remorquage, 150, puis le stockage, 20, puis faut revenir avec un timbre payé à la sureté nationale, 300. Mais on l’obtient où ce timbre? au bureau caché terrière le grand bâtiment de sureté nationale. Je reprends le taxi. Je fais des stocopies de tous les documents, j’amène ça au bureau caché, et là un officier tiré à quatre épingles vise tout ça. J’attends 30mn. je paie ma dime. Pif Paf, un cachet, une signature et on repart à la fourrière. Après deux heures de va-et-vient on récupère la logan, rassurés d'avoir finalement tout pu gérer dans la matinée. Retour à l'hotel, je me gare au bon emplacement indiqué par la fille de l’hôtel. 1h plus tard, rebelote, on veut nous enlever la voiture. Le flic dit qu’il faut apposer un macaron de l’hôtel sur le pare-brise. Là je sens la magouille. Je ferme ma bouche, je monte dans la logan et je me casse.
Jeudi c’est relâche. On jeûne pour éponger les factures.
Vendredi les activités reprennent. On part vers le nord, Fès, une superbe ville, celle des tanneries. Le ciel est bleu. 8h de route m’attendent pour rejoindre Casa, mais bien sur pas, par l’autoroute, mais par les montagnes du Rif, car après Bagrada, on cherche aussi la moutarde du sahara, une plante invasive en Californie. D’ailleurs on ne la trouvera pas, mais c'est la vie. Le Maroc est quadrillé par la police, gendarmerie, armée, une pression permanente existe. On entre pas dans une ville, ni n’en sort, sans un contrôle. Je continue à respecter le code de la route, mais à un moment y’a un grand taxi qui se traine, on est en pleine campagne, croyez-moi, c’est une ligne droite, mais aussi une ligne blanche…que je franchis, inconscient que je suis. Et qui je vois au loin à 500m? descendu de la colline à cheval, Zorro me fait signe de me garer. Là, je suis fautif, pris les mains dans le pot de confiture de figues. Contrôle papier, et annonce de la sanction, 700Drh cash. Je reconnais la faute, mais là ça rigole plus. Le gars part dans une diatribe sur le fait que nous (les français) on se croit tout permis au Maroc. et Bla bla bla. La phrase tombe: Vous payez en liquide ou je confisque le permis, et vous avez cinq jour pour le récupérer. On prenait l'avion le soir. Une petite tension s'installe dans la voiture. La ligne blanche devient rouge. Voyant ça, je tente l'argumentation de payer en euros. On calcule le taux de change ensemble. Le gars en rajoute une couche sur un passage au tribunal. Je vois moins bien le ciel bleu qui m'entoure. Et à ce moment devinez ce qui se passe? Le gars parle en arabe à son collègue avec un petit rictus. On est alors dans une scène de film. Il me rend tout d'un coup. J'ai envie de l'embrasser, mais me retiens, des fois que ça coute 500. Là il enchaine sur l'Italie, il a des amis là bas, il aime beaucoup l'Italie, Massimo entre dans la conversation, on rigole tous ensemble, il nous parle de Barzotti, le chanteur du rital, on rit de plus belle. Tout part en live dans cette belle campagne du Rif. Enfin il finit son discours par Soyez les bienvenus. La messe est dite.
Plusieurs enseignements ressortent de cette trilogie : 1. Les flics se font chier au bord des routes, et faire payer n'importe qui doit apporter des points d'avancement 2. On peut toujours négocier, donc ne jamais baisser les bras, mais toujours rester poli 3. Le jeu de la police est simple, prendre l'ascendant et installer une tension due à l'autorité, puis dégoupiller la grenade, et finir avec un grand sourire 4. La police a toujours raison, surtout que dans chaque cas, moi j'avais toujours tord.
So far, so good